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lundi 17 mars 2008

Quand la tradition interpelle...
Je pouvais m’attendre à devenir un jour dépositaire de certaines traditions. Il suffisait pour cela que j’aie la vie assez longue. Mais je ne m’attendais pas à ce que de telles responsabilités me tombent sur la tête si tôt. Car j’avais deux oncles Kolani et Sinandja, Dieu ait leur âme, qui paraissaient solides et que je m’attendais à voir vivre assez longtemps encore. Ils moururent successivement, le premier en novembre 2005, le second en décembre 2005.
De ma grand-mère paternelle Dampi, Dieu ait son âme, il ne reste plus que Kondougue, une pauvre mais courageuse femme, dont le fils unique est parti depuis 28 ans pour la Côte d’Ivoire et ne lui donne plus signe de vie, alors que des témoignages concordent pour dire qu’il est toujours vivant mais qu’il n’a pas fait fortune comme il l’espérait.
Selon les traditions, seuls les hommes officient au cours des rites permettant de s’adresser aux ancêtres défunts. Aussi ma tante Kondougue, bien que plus âgée que moi n’est-elle pas qualifiée pour conduire les rites s’adressant à sa mère. En tant que petits fils plus âgé de Yaya (c’est ainsi que se dit grand-mère en moba) Dampi, je me suis retrouvé investi de responsabilités auxquelles je ne suis pas préparé.
Je n’y suis pas préparé parce que mon statut de chrétien, même si je ne peux pas prétendre que je suis un chrétien très pratiquant, ne me permettait pas toujours de suivre attentivement ces rites traditionnels. Je n’y suis pas préparé parce que mes séjours au village ne durent pas plus de trois jours, le temps de saluer les parents, de m’informer de la l’évolution de la famille et du village, d’assister à certaines cérémonies que mes oncles disent être des prescriptions traditionnelles et que par respect pour eux je me garde de refuser.
Aujourd’hui, je ne peux plus me retrancher derrière le respect que je devais à leur âge.pour ce qui concerne mes oncles Sinandja et Kolani. Ils sont morts. Et le privilège de l’âge et du sexe m’ont propulsé comme le maître de cérémonie des rites relatifs à Yaya Dampi.
Parce que je suis chrétien, dois je prendre la responsabilité de mettre un terme à des rites qui depuis des générations retracent l’histoire des familles, des clans et des ethnies, fixent des repères de solidarité et de fraternité, où ils se retrouvent, communient, font face aux difficultés d’une vie, qui est loin d’être facile, partagent leurs rares bonheurs ?
A supposer que j’en aie les moyens, devrais-je obliger ou manipuler tous les petits fils et petites filles de Yaya Dampi à devenir chrétiens comme moi et à rejeter ces rites ? Est-ce que être chrétien implique forcément que l’on rejette toutes ses traditions ? Telles sont les questions qui depuis plusieurs mois m’habitent. Telles sont les questions qui depuis décembre 2005 m’ont obligé à faire des recherches sur christianisme et traditions . Les fruits de cette recherche vous ont en partie été livrés dans deux commentaires : « femmes, gloire et rançon » puis « la place de Dieu dans les traditions moba ».
Alors que j’attendais des réactions à ces articles pour féconder mes recherches et me faire une idée sur le comportement que je dois adopter dans les responsabilités traditionnelles qui m’incombent, j’ai été sidéré de voir un message de Google, s’afficher pour me dire qu’un contenu abusif a été signalé sur mon blog. Il n’y a d’abus que ce contre lequel on ne peut pas se défendre. Mes idées ne sont pas si difficiles à combattre si elles sont fausses.
Elles ne veulent même pas être justes. Car il ne s’agit pas de mathématiques. Il s’agit des ressorts profonds d’une société, qui interpelle un ordre triomphant, séduisant. Oui, c’est séduisant de se croire enfant de Dieu. Oui, c’est séduisant de penser que Dieu est mort pour nous. Cette société là ne le sait pas ou refuse d’y croire.
N’est ce pas finalement le plus bel hommage à Dieu que de trouver invraisemblables ses actes, qui sont au-delà de toute compréhension ? Et si ces sociétés traditionnelles à la suite de Saint Thomas continuaient de dire à leur manière : Je ne croirai qu’après avoir vu, que leur proposerons nous comme spectacle en bons Chrétiens ? L’esclavage, la colonisation, les dictatures de partis uniques ou la mondialisation impitoyable ? Ou les guerres en Irak, en Afghanistan, en Palestine ? Ou le réchauffement climatique qui risque de détruire notre planète, la ville poubelle de Naples avec les cas de cancer qui se multiplient, ou la misère criante de la majorité des hommes face à l’insolente opulence d’une minorité ?…Autant de réalités, dont un système qui se dit représentatif de l’ordre chrétien est responsable. Solidaire de cet ordre là, j’ai eu honte en voyant tous ces petits enfants de Yaya Dampi heureux quelques instants parce que le souvenir d’une brave femme a été évoquée. Cette femme dont ils sont descendants n’a rien fait d’autre que de faire des enfants et de les élever. Et pour cela cette société là refuse de l’oublier. Combien plus encore n’oublieraient-ils pas Dieu si nous savions parler en son nom ? Je cherche cette voie…Et je ne crois pas qu’elle passe par l’oubli des traditions qui permettent de poser de si grandes questions. Et ce n’est pas Victor Hugo qui me démentirait, lui qui disait, je cite :
« De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine
A pour feuillage l'avenir. »

Au moment où notre environnement est en danger à cause de pratiques irresponsables, penser à la tradition qui donne du bon feuillage, celui de l’avenir, n’est pas une quête hasardeuse. Mais il s’agit de rendre cette tradition féconde. Je vous convie à y réfléchir avec moi, à partager avec moi vos idées sur ces questions qui ont été posées.Merci.
Contacts : djagbayem@yahoo.fr
Tanlkouon-laurent@voila.fr

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