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jeudi 27 mars 2008

Quand la tradition interpelle (suite et fin)

Conclure un patchwork de réflexions sur les traditions mobas nécessite un minimum de rappels des questions fondamentales et des réponses envisagées.
Un Chrétien que les traditions désignent comme officiant des rites ancestraux peut-il faire autrement que de répondre oui à l’appel des traditions ? C’est la question fondamentale de départ. Les conseils reçus par ici et par là recommandent à ceux qui sont dans une telle situation d’autoriser d’autres personnes à officier à leur place et à s’y soustraire eux-mêmes. Comme si le salut auquel on tient ne dépendait pas de celui auquel on permet aux autres d’accéder. Oui, Dieu donnerait-il une prime à celui qui ayant la possibilité de transformer des cœurs et des vies, les abandonnerait à leur sort pour s’occuper de son petit salut individuel ? Dieu, qui sait tendre des pièges où tombe Satan, ne saurait pas se servir de ceux qui le connaissent dans une certaine mesure pour se faire connaître un peu mieux de ceux qui ne le connaissent pas encore ? Une telle solution ne peut être la meilleure devant Dieu. Car il s’agirait d’une véritable non assistance à personnes en danger, si les traditions africaines en général et mobas en particulier sont le cadre de pratiques démoniaques conduisant tout droit en enfer comme le font croire bien des gens qui se prétendent plus croyants que tout le monde.
La meilleure attitude serait peut-être de penser à Jésus ressuscité qui est allé en enfer selon la tradition chrétienne et de se jeter aussi dans « celui » des traditions mobas. Ainsi on les connaitrait mieux. On les apprécierait mieux. On découvrirait mieux le génie qu’elles portent en elles. Comment peut-on être chrétien et ne pas être ravi de savoir que depuis la nuit des temps les traditions mobas enseignent que Dieu a un Benjamin, créateur de toutes choses ? Comment peut-on marcher dans le sillage du Christ, crucifié sur du bois, et ne pas comprendre que des Mobas croient que chaque arbre est sacré, c'est-à-dire que chaque arbre est une parcelle de la nature, de la création du fils de Dieu ? Comment peut-on être chrétiens et ne pas comprendre que des Mobas respectent leurs parents, même quand le voile de la mort les enlève à leurs yeux ?
J'essaie à l'aune du christianisme de voir ce qu'il faut impérativement garder de nos traditions, ou du moins comprendre de nos traditions. Entre nous, le culte des ancêtres, n'est ce pas le pari de foi que chaque enfant ou petit enfant ou arrière petit enfant fait que son père ou son grand père ou arrière grand père est un saint? C'est vrai que l'Eglise qui canonise ses saints peut être scandalisée. Mais si on repense à la loi de Dieu qui demande à chaque enfant de respecter et d'honorer ses parents, le culte des ancêtres est justifié. Dieu ne peut pas en vouloir à un enfant qui dit que son père est un saint. Si le père n'est pas saint, c'est son affaire avec le bon Dieu. Mais ça ne regarde en rien l'enfant...
En posant toutes ces questions, on se rend compte de l’ignorance qui tue vraiment les hommes. Jésus est venu enseigner par des actes, et on continue à s’attacher seulement à ses paroles. Les hommes savent qu’ils créent et façonnent le monde plus par des actes que par ce qu’ils disent. Et ils continuent à croire que Dieu est essentiellement un Dieu qui parle et non un Dieu qui agit. Aussi l’attitude de Saint thomas est-elle sans cesse adoptée par les tenants des traditions africaines en général, qui savent reconnaître la valeur des autres, qui savent chercher chez les autres ce qu’elles ont de meilleur, mais qui demandent à chaque fois que celles-ci leur montrent ce qu’elles ont de meilleur . Il appartient aux chrétiens , à toutes les cultures du monde de montrer aux Africains ce qu’elles ont de meilleur. La colonisation, l’esclavage, les guerres mondiales ne furent pas de beaux spectacles. La mort lente de l’environnement qu’un développement industriel inconséquent provoque non plus. Alors que reste-t-il que le triomphalisme de l’occident chrétien puisse montrer aux traditions africaines ? Telle est la véritable question à laquelle il faut répondre pour savoir si oui ou non, les chrétiens ont encore quelque chose à ajouter réellement aux traditions africaines. Ici, on était dans la civilisation de l’oralité, mais pour fixer ce qu’on disait parce qu’on n’avait pas d’écriture, on faisait ce que l’on disait. L'oralité s'ancrait dans un vécu fidèle à ce qui se disait pour fixer et mémoriser ce qui était dit.
Ailleurs, le fait de fixer ce qui est dit par l’écriture a dispensé de faire ce qui est dit. C’est ce divorce entre la parole et les actes de l’occident chrétien qui le disqualifie pour être un modèle. Or, les petits actes d'un chrétien peut mettre un peu de lumière ou de joie autour de lui, mais pas forcément transformer fondamentalement son entourage. Encore moins faire de lui un modèle. C'est ensemble que les chrétiens peuvent offrir le spectacle que réclament ceux qui comme Saint Thomas veulent voir avant de croire. Et c'est le pari qui depuis des générations de chrétiens est constamment perdu. J'ai entendu lors de l'émission les Enfants d'Abraham sur Direct8 le prêtre catholique imputer avec amertume à un chrétien, en l'occurence George Bush la situation en Irak qui a fait un martyr récemment en la personne du Chef de l'Eglise orthodoxe dans ce pays. Oui, le christianisme a des valeurs sublimes, mais si elles ne sont pas pratiquées ,malgré les menaces qui pèsent sur le monde, par ceux à qui Dieu donne le pouvoir de transformer le monde, d'être des modèles, il vaut mieux cesser de se prétendre enfants de Dieu pour ne pas imputer à Dieu la responsabilité des graves turpitudes, qui risquent de détruire son oeuvre. A défaut de se présenter à nos traditions comme un modèle, il est plutôt sage de continuer à les admirer pour avoir respecté la nature et traversé les millénaires sans écriture. Et il vaut mieux de se servir aujourd'hui de l'écriture pour leur faire faire d’autres millénaires encore . Qui sait, peut-être que le salut du monde viendra de ces gens qui pendant longtemps n'ont été que des hommes, pour qui aucun Dieu n'est mort. Mais pour qui Dieu existe et règne sur un monde , où les peuples ont pris trop goût aux coups d'Etat, aux révoltes, et aux révolutions.

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