Amis/Ennemis, c’est le choix
que la logique dichotomique, manichéenne du monde semble imposer dans les rapports aux autres, sauf
avec ceux qui entrent dans le cercle privilégié de l’amour. Là encore, alors que
Jésus avait pris soin de préciser que ce sont les prochains qu’il faut aimer,
la tendance est tout simplement d’oublier qu’en la matière, il y a des
lointains à exclure. Et pour cause. Qui est le prochain ? Qui est le
lointain ? Exercice difficile auquel on échappe en simplifiant les choses.
Dans tous les cas, pour en
revenir au couple amis/ennemis, la sagesse humaine a prévu des variantes pour
que selon les circonstances on sache faire les choses, sans dépasser certaines
limites. Aussi dira-t-on par exemple qu’au dialogue qui se déroule au siège de
Togo Telecom, les protagonistes, à savoir le pouvoir et l’opposition sont des
adversaires et non des ennemis.
Peut-on mépriser son
adversaire ? En principe non, car c’est ensemble avec lui, que sur un
stade de football, ou dans une compétition électorale , c’est ensemble
avec l’adversaire qu’on donne du plaisir, de l’assurance au public, la paix au
peuple. Le paradoxe des relations entre adversaires, c’est que celles-ci
reposent à la fois sur une nécessaire différence et une nécessaire solidarité
dans l’action. C’est ensemble avec l’adversaire qu’on fait un très bon match ou
une très bonne élection. L’adversaire mérite le respect, sinon pourquoi les
entraineurs de football demandent-ils à leurs poulains de ne pas sous-estimer
leurs adversaires ?
Est-ce le cas au dialogue
qui se tient en ce moment-ci à Togo Telecom ? Le silence des uns ressemble
à s’y méprendre au mépris plutôt qu’au respect, et l’intransigeance des autres
ressemble à s’y méprendre à une exclusion plutôt qu’à une solidarité dans l’action
du dialogue.
Apprendre de son ennemi
Dans une telle perspective, il vaudrait mieux qu’ils se considèrent comme des ennemis, car après tout l’ennemi bien compris est utile. Comme dirait Lao TSE, un sage chinois, « votre ennemi est votre meilleur éducateur ». ARISTOPHANE complète bien cette formule en disant que de leurs ennemis les sages apprennent bien des choses.
Au dialogue togolais, les
protagonistes ont encore à apprendre les uns des autres. Le pouvoir a à
apprendre que tôt ou tard l’alternance deviendra un jeu, et l’opposition a à
apprendre que pour dialoguer, il faut être deux au moins. Evidemment, comme il
y a des oppositions devant l’UNIR, plutôt qu’une opposition, c’est difficile
pour ces dernières de comprendre qu’elles sont en train d’exclure l’UNIR de ce
dialogue par leur intransigeance.
Et comme l’UNIR n’a pas devant elle une
opposition organisée, rassurante pour l’adversaire qu’elle est, elle se refuse à
envisager l’alternance comme un jeu ; car se dit-elle, après s’être
lourdement trompées contre elles-mêmes en boycottant les élections de 2002, qui
sait comment ces oppositions se tromperaient contre l’UNIR et le peuple si
elles parviennent au pouvoir. .
Les dialogues togolais sont de ce fait depuis
longtemps des cercles vicieux. Et pour sortir de ces cercles vicieux, les uns
et les autres doivent devenir des sages, qui savent apprendre de leurs ennemis
bien des choses.
Dy Gilid
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