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jeudi 12 juin 2008

TOGO : Vers une tragédie de plus ?

La tragédie togolaise, c’est de se tromper et de se laisser tromper. L’opération Réconciliation Armée Nation organisée par le Général Eyadèma en son temps en fut une. L’opération Vérité, Justice, Réconciliation, qui mobilise tant d’énergies actuellement dans le pays, et qui suscite tant d’enthousiasme d’organisations internationales prétendant vouloir accompagner sincèrement ce processus, est la tragédie en cours.

Il suffit de rappeler qu’en Afrique du Sud, le maître d’œuvre de cette opération, qu’on veut copier au Togo est Nelson Mandela, qui avait tout à pardonner, ayant souffert dans sa chair et dans son âme de 28 ans d’emprisonnement. Oui. Il avait à pardonner. Il avait le pouvoir de pardonner. Il pouvait donc donner l’exemple. Mais qu’a donc souffert M. Faure Gnassingbé ? Qu’a-t-il à pardonner ? Et à qui ? Il ne peut donc pas donner l’exemple. Il ne peut donc pas être l’âme d’une telle réconciliation. A la limite, chaque fois qu’il en parle, il donne l’impression à ceux qui ont vraiment quelque chose à pardonner, que l’opération en cours est destinée à se moquer d’eux.

La réconciliation dans un pays où tous ceux qui sont aujourd’hui des survivants du régime Eyadèma ne peuvent pas avoir bonne conscience, soit parce qu’ils en ont profité, soit parce qu’ils ont aidé le régime à s’asseoir et à durer, soit parce qu’ils ont eu peur et ont laissé faire, soit parce qu’ils ont coopéré en tant que travailleur, passe d’abord par une réconciliation avec soi-même.

De cette réconciliation, on ne peut que sortir humble, c'est-à-dire disponible pour la mort, mais confiant en la bonté des hommes, qui souvent n’ont même pas le temps de chercher à se venger, sauf s’ils sont déjà repus et ne pensent pas à demander chaque jour au Père céleste leur pain quotidien. Et encore, même quand on est repu, que de choses géniales il y a à faire si l'on en prend la peine, au lieu de se définir par rapport à ceux qui vous ont fait du mal.


Quand je vois le cortège de M. Faure Gnassingbé foncer à vive allure dans les rues de Lomé, je me dis qu’il est loin de s’être réconcilié avec lui-même. Comment peut-il donc se réconcilier avec les autres ou réconcilier les autres ?

Evitons au Togo une tragédie de plus. Et soyons lucides. L’Union Européenne a été possible quelques années seulement après la deuxième guerre mondiale, parce que les responsables politiques européens et américains ont donné la priorité au bien-être des survivants et ont tout fait pour qu’il soit une réalité. A telle enseigne qu’en 1952 déjà, soit sept ans après la guerre, l’Etat français pouvait se permettre de distribuer gratuitement du lait dans les écoles.

Si on cessait de fatiguer nos oreilles avec ce problème de réconciliation, pour faire en sorte que le bien-être des Togolais soit une réalité concrète, la réconciliation nous sera donnée par surcroit. Mais il s’agit là d’une autre paire de manche. Car il s’agit certes d’empêcher que des corrompus volent ce qui doit appartenir au peuple, mais aussi de remettre tout ce qui a pu être volé dans le passé au service des Togolais.

L’accumulation primitive du capital pour la révolution capitaliste a fait plus de dégâts que ce qui nous est arrivé au Togo. La colonisation, l’esclavage, les confiscations des terres par la bourgeoisie montante y ont contribué, et ce sont des crimes qui n’ont pas été punis. Mais ils ont permis d’édifier un monde, qui malgré tout est merveilleux. Que ce qui a été volé au peuple togolais serve enfin à édifier son bonheur, par la promotion de l’égalité des chances, par la juste répartition des richesses nationales, par des investissements appropriés qui donnent indifféremment du travail aux « nordistes et aux sudistes, aux Kabyè et aux Ewés, aux militants du RPT et aux opposants». Qu'enfin ceux qui doivent à ce peuple leurs richesses comprennent qu'ils n'auront aucun compte à rendre de leur passé, s'ils les investissent en toute confiance dans le pays pour le bien-être de tous.

Tel est le véritable pari à gagner pour que l’unité et la réconciliation nous soient données de surcroit.

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