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dimanche 23 janvier 2011

Côte d’Ivoire : l’échec des indépendances

L’Afrique est malade de sa Côte d’Ivoire. Le débat organisé par RFI le dimanche 23 janvier 2O11 montre à quel point ses intellectuels sont loin de comprendre ce qui s’y passe réellement et donc sont loin de pouvoir proposer les solutions appropriées comme le voulait le thème du débat.
Quelques exemples pour illustrer notre propos :
- D’abord l’obsession de notre ami Konan Venance à expliquer que les intellectuels ivoiriens et l’administration ivoirienne n’ont pas pu exprimer de manière décisive leur soutien à M. Ouattara, parce que M. Gbagbo a fait réprimer les premières velléités, je suppose qu’il veut parler de la marche sur la RTI. Au moment où l’Afrique assiste à la victoire du peuple tunisien sur un régime dont il ne voulait plus, je considère cette posture comme une insulte au peuple ivoirien. Les Tunisiens ont été réprimés mais ils n’ont pas baissé les bras. Ils sont allés jusqu’au bout. Les Ivoiriens seraient-ils moins courageux que les Tunisiens ? Certes, il est vrai que la culture des Africains ne leur inculque pas la notion du sacrifice suprême de soi, comme c’est le cas du hara kiri chez les Japonais ou du suicide pour Dieu chez les musulmans. En effet en Afrique, on sacrifie l’autre, qu’il s’agisse d’un poulet, d’un bélier, voire de son propre enfant, mais on ne sait pas se sacrifier soi-même. C’est une dimension sur laquelle la culture africaine doit travailler et pour cela les intellectuels africains doivent savoir donner l’exemple. J’entends beaucoup d’intellectuels africains dire qu’il faut que Gbagbo parte par la force. J’espère que comme Malraux en Espagne, ils iront jusqu’au bout de leur conviction en s’engageant sur le terrain comme miliciens appuyant les forces de la CEDEAO ou comme francs tireurs.
- L’obsession à refuser que l’on fasse référence à l’histoire pour justifier les positions que l’on veut prendre est dangereuse. Est on sûr que ce qui fut le moteur de l’esclavage, de la colonisation a cessé d’être le moteur des drames de l’histoire aujourd’hui ? La recherche inconditionnelle du profit reste un levier fondamental sur lequel les leaders du monde s’appuient, et c’est la honte de ceux à qui ce virus a été partagé en Afrique, qui semble s’exprimer à travers ce refus de l’histoire , car on risque d’en arriver à une question : comment M. Ouattara, qui était voltaique dans les années 8O encore, en est arrivé à être l’homme que le monde veut imposer comme Chef de l’Etat en Côte d’Ivoire, après avoir noyé le débat sur l’ivoirité dans un coup d’Etat et une guerre civile, dont la situation actuelle est une forme nouvelle ?
- Troisième exemple, la colère même de l’animateur du débat, qui lance à la figure de son invitée Mme Ayala, qu’il n’a pas à apprendre son travail par elle témoigne plus que tout de la tragédie africaine. C’est à croire qu’en Afrique même ceux qui existent par et pour la liberté d’expression ne savent pas concéder aux autres le droit de les apprécier, voire de se tromper à leur sujet. En entendant l’animateur de ce débat parler ainsi, j’ai cru voir M. Ouattara demander aux troupes de la CEDEAO de massacrer Gbagbo et ses partisans. Et pourtant il y avait des critiques à faire à cette émission, à commencer par le ton péremptoire même du thème du débat : en soixante minutes, connaissant la complexité de la crise ivoirienne, peut-on raisonnablement proposer des solutions compréhensibles, justifiées à cette crise ?
Les passions que suscite le drame ivoirien témoignent d’un douloureux réveil de l’Afrique. Face à la colonisation, ses fils furent dignes : Samory Touré, Behanzin, Tchaka, etc…s’inclinèrent devant les colons après une farouche résistance, mais ils ne furent jamais fiers de s’être inclinés.
Aujourd’hui leurs descendants à la tête d’Etats modernes suite à des victoires électorales proclamées par des CENI , validées par des Conseils Constitutionnels et applaudies par ce qu’on appelle la communauté internationale, sont fiers d’avoir travaillé 5O ans après les indépendances à prouver que leurs pays sont des pays pauvres très endettés (PPTE), et pensent ainsi qu’ils ont le droit d’être reconduits aux prochaines élections. Et personne ne dit rien. C’est une histoire de fous. Comment de tels Chefs d’Etat ou pays peuvent-ils s’impliquer dans la crise d’un pays comme la Côte d’Ivoire sans la secrète ambition de l’amener aussi à être un PPTE, j’allais dire un pays plus pauvre que le leur ? Les pouvoirs africains marchent sur la tête, et quand surgissent des déchirures dans la machine démocratique importée en 1990 en Afrique, il faut croire que c’est un signal rouge sur le tableau de bord d’une Afrique, qui doit être impérativement remise sur ses pieds, avant de continuer avec la démocratie si cela l’enchante. C’est l’un des messages forts de la tragédie ivoirienne.
Devant les puissants du monde, qui s’apprêtent à le dépouiller de son ivoire pour leurs besoins, l’éléphant, ambassadeur de l’Afrique, barrit. Puissent les Africains comprendre ce message pour sortir des fâcheuses situations, qui risquent à terme d’être fatales à l’Afrique.
Y. D.