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mardi 8 avril 2008

Vive l'ethnie pour que vive le Togo!

http://www.togocity.com/article.php3?id_article=2232
Ce lien vous conduit à un forum sur le tribalisme au Togo. Pour les uns, il est la cause fondamentale de la crise qui appauvrit les Togolais et maintient dans une situation stagnante depuis des décennies. Pour les autres, qui ne nient pas son existence, les racines du mal togolais sont à chercher dans le long règne d’Eyadèma et du refus de l’alternance.Mais quelles passions dans les débats ! Des passions qui montrent à quel point, le refus de la différence menace réellement le Togo.
L’homme en tant qu’animal politique, pour parler comme Aristote est d’abord animal ethnique. Le premier cercle de solidarité, qui prend en charge l’homme, qui lui forge une structure mentale, qui lui offre une langue de communication est l’ethnie. Tout dans l’éducation de base de nos enfants est assumé par les fondamentaux de l’ethnie : le nom, les rites coutumiers, qui ont la vie dure malgré la poussée des grandes religions (christianisme, islam), heureusement d’ailleurs.
Comme le dit un proverbe africain, « Pour qu'un enfant grandisse, il faut tout un village. » Le village, c’est le territoire de base de l’ethnie. Les propriétaires terriens ici sont de l’ethnie, qui s’est installée la première, qui a fondé le village. Ils cooptent ceux qui viennent pour s’installer, qui acceptent, adoptent ou respectent leurs coutumes. Chaque ethnie a ses villages de base, où il est inadmissible que des ethnies cooptées viennent faire la loi.
Aujourd’hui cette entité de base de l’ethnie vacille souvent. Parce que les pouvoirs politiques y placent des gens qui leur sont favorables comme chefs au détriment des « citoyens ethniques », qui sont confinés dans des rôles secondaires, parce que refusant de jouer le jeu du pouvoir.
Aujourd’hui, le village en tant que territoire de base de l’ethnie est également agressé, déstabilisé voire dénaturé par les pouvoirs d’argent, qui achètent les terrains, s’approprient des villages entiers et exproprient les propriétaires, qui n’ont pas su se prémunir contre l’impérialisme de l’argent. Vacillant dans ses fondements, l’ethnie se mobilise sous différentes formes pour reconquérir le terrain perdu. Associations de ressortissants de tel village, ou de tel autre, fleurissent. Véritables organisateurs d’une solidarité informelle, qui fait des milliardaires et des puissances financières, ces associations ne tiennent et ne prospèrent qu’en composant avec le pouvoir politique, qui les instrumentalise, leur donne des facilités, leur accorde une importance, dont ne bénéficient que quelques individus soigneusement sélectionnés pour pérenniser la main mis du pouvoir sur les potentialités de l’ethnie.
Mais ici commence la perversion de la dynamique ethnique. Car si l’ethnie naît naturellement et s’enracine culturellement, le régionalisme naît politiquement et s’enracine économiquement. Mettre l’ethnie sous la coupe du régionalisme, c’est la pervertir, pervertir le naturel élan de solidarité et de générosité, qui fait la grandeur de l’homme. En effet, l’homme profondément enraciné dans son cercle de solidarité premier qu’est l’ethnie est celui qui sait s’ouvrir aux autres. Car confiant en lui-même, il fait confiance aux autres, à ceux qui le respectent. Ainsi compris, le phénomène ethnique est éminemment positif La colonisation l’a compris, qui a détruit toutes les structures ethniques de nos sociétés, imposé des religions, que peu aujourd’hui encore connaissent et comprennent réellement parmi les Togolais et les Africains qui en sont les fervents pratiquants.
Les ethnies déstructurées par le colon ont été embrigadées dans le phénomène régionaliste, le véritable poison, qui tue le Togo et l’Afrique.
Au Togo, il suffit d’évoquer la création de l'Union des chefs et des populations du Nord (UCPN), comme parti politique soutenu par la France pour lutter contre le mouvement de revendication de l’indépendance pour voir comment opère le régionalisme. Il fédère toutes les ethnies d’une aire géographique donnée sous la bannière d’un pseudo combat, qu’un pouvoir pour des raisons bien évidentes d’intérêts inavoués détermine et impose.
Régionalisme : véritable source du mal togolais
Ainsi le phénomène régionaliste est fondamentalement politique, idéologique et n’a rien à voir avec le phénomène ethnique ou tribal, qui dans son essence est un cadre de solidarité restreint, qui prépare l’homme à mieux s’ouvrir aux autres.

Ce phénomène régionaliste, qui divise et oppose différentes régions d’un pays pour permettre au pouvoir politique de mieux régner a été institutionnalisé au Togo, où l’expression « nordiste » ou « sudiste »semble aller de soi selon qu’on est ressortissant d’un village situé dans une zone allant de Blitta à Cinkansé, ou d’une zone allant de Blitta à l’Océan Atlantique. Cette instrumentalisation du régionalisme initiée par le colonisateur, qui l’avait d’abord expérimenté chez lui avant de l’importer dans nos pays a atteint au Togo des dimensions tragiques, où une institution comme l’armée est dite du nord, alors que des secteurs entiers du commerce et des affaires comme celui des Nana Benz reste ou est resté pendant longtemps la chasse gardée des « Sudistes ». Plus tragique encore est l’identification du pouvoir politique avec le Nord, l’alternance étant alors comprise comme l’accession du Sud au pouvoir.
Les récentes élections législatives ont conforté cette vision d’un pouvoir politique du nord dans la mesure où le Rassemblement du Peuple Togolais, le parti au pouvoir , selon les résultats proclamés, a raflé presque tous les sièges de députés dans la zone comprise entre Blitta et Cinkansé, alors que dans la zone comprise entre Blitta et la mer, l’Union des Forces du Changement, le principal parti d’opposition a raflé la grande majorité des sièges. En réalité, le Togo n’est pas coupé en deux. Mais cette coupure a l’avantage d’occulter les vrais problèmes du pays et de conforter ceux qui n’ont plus grand-chose à donner à ce pays comme programme politique, comme rêves, comme ambitions, dans les illusions qu’ils entretiennent et nourrissent pour endormir les populations du pays.
Ainsi, le pêcheur d’Aného qui n’arrive pas à supporter les frais de scolarité de ses enfants pensent que le responsable, c’est le pouvoir du nord, et par ricochet les Nordistes. Alors que le paysan du nord a le même problème. A lui, on lui fait croire que ce sont les opposants du Sud, qui ont tout fait pour que la coopération entre le Togo et l’Union Européenne soit suspendue, que ce sont eux qui obligent le pouvoir à acheter des armes, pour éviter que le nord ne soit détruit par une guerre , qu’ils préparent. Et ainsi, le paysan et le pêcheur, ensemble avec leurs frères et sœurs se mobilisent dans un combat qui n’est qu’illusion.
Comment s’en sortir ?
Cette réalité fondamentale n’a été transcendée ailleurs, dans les grandes démocraties occidentales, que par de longues guerres, des mesures radicales comme l’école républicaine obligatoire pour tous, la répartition du revenu national dans un souci de solidarité, qui donne même aux chômeurs, un revenu minimum, bref des politiques de développement, qui créent la richesse et la distribuent. Même si le phénomène régionaliste (phénomène basque, ou phénomène corse)n’est pas totalement vaincu en Europe ou aux Etats-Unis, il épouse les contours de la situation économique. Des révélations ont été faites selon lesquelles le Président Mitterrand avait calmé le mécontentement corse à coup de valises de Francs français. Et pour cause. Quand la prospérité économique permet de distribuer le minimum vital à chacun, les phénomènes régionalistes et ethniques s’estompent. Par contre, quand la crise économique survient et empêche de partager aux autres le minimum, dont ils ont besoin, alors ressurgissent les phénomènes régionalistes et ethniques.
En d’autres termes, le Togo pour sortir du cercle vicieux du régionalisme et du tribalisme exacerbé, perverti, a besoin d’une politique économique qui transforme le pays en chantier de création de richesses. Une telle politique doit être accompagnée d’une répartition équitable du revenu national, d’une répartition où la solidarité joue pour les plus démunis. Mais pour cela, il faut que la priorité ne soit pas accordée aux comptes en banque suisses ou européens ou américains, qu’on remplit des deniers, dont on a spolié le pays. Il faut que les dirigeants qui conduisent le pays soient des dirigeants qui l’aiment, qui sont prêts à tout donner plutôt qu’à tout prendre.

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